La Cour Suprême des Etats-Unis fait grincer des dents !

Publié le par Didier B

Ce matin, certains quotidiens et magazines français ont fait leurs titres sur la décision de la Cour Suprême des États-Unis d'invalider les lois des états qui autorisaient l'application de la peine de mort dans le cas d'un viol d'enfant.

A ce propos, je suis étonnement surpris de ne pas avoir trouvé de titres comme "La Cour Suprême des États-Unis autorise le viol d'enfants" comme nous avions vu des titres tel "La Californie autorise le mariage homosexuel". Mais pour cette fois, nos médias favoris ont fait preuve d'un peu de décence, une fois n'est pas coutume.
Pour rappel, la Californie n'a pas autorisé les mariages homosexuel ; La Cour Suprême de cet état à simplement déclarées inconstitutionnelles les lois limitant le mariage à un homme et une femme argumentant sur le fait qu'elles n'assuraient pas l'égalité de tous les citoyens devant la loi. La reprise des mariages entre personnes de même sexe n'a été que la conséquence de cette décision et pas son objet.

On confond souvent les pouvoirs d'appréciation constitutionnelle de la Cour Suprême avec les pouvoirs du législateur. La Cour Suprême n'écrit pas de nouvelles lois, elle se contente d'en invalider certaines, créant automatiquement de nouvelles situations.
Dans le cas du viol d'enfant, la Cour Suprême des États-Unis avait à dire si la loi de Louisiane n'était pas en contradiction avec la constitution des États-Unis qui, par le 8e amendement, interdit les châtiments cruels et inhabituels (...cruel and unusual punishments). Ainsi, l'arrêt n'interdit pas formellement la peine de mort pour les violeurs d'enfants mais invalide les lois existantes. De plus, par sa portée, l'arrêt empêche pratiquement le législatif américain de voter une loi allant dans le sens inverse (sauf à amender la Constitution, sur laquelle la Cour Suprême s'appuie pour justifier son arrêt).

Ceux pour lesquels le respect de la Constitution par les lois de la République se limite aux recours à priori (et non automatique) devant le Conseil Constitutionnel doivent savoir quel est le rôle de la Cour Suprême des États-Unis. Elle est tout à la fois le Conseil Constitutionnel local agrémenté d'une cour de cassation avec le rôle supplémentaire d'être la juridiction d'appel final. Il est important de noter qu'elle peut être saisie directement (comme pour le cas des prisonniers de Guantanamo) ou par un justiciable dans le cadre d'une affaire déjà jugée par des juridictions inférieures. Dans les cas qu'elle accepte d'entendre, elle juge tout à la fois le fond et la forme d'une affaire et la constitutionnalité d'une loi.

Ce qui est le plus intéressant dans la décision sur la peine de mort et les viols d'enfants, c'est le fait qu'elle ait été prise par une Cour Suprême soit disant dominée par les Républicains conservateurs. En effet, sur les 9 juges, 7 ont été nommés par des présidents républicains (Ford, Reagan, Bush père et fils), les deux autres étant des nommés de Bill Clinton.

L'énorme différence entre un juge de la Cour Suprême des États-Unis et un membre du Conseil Constitutionnel de la République Française est que le premier est nommé pour autant de temps qu'il le souhaite (...during good behavior) alors que le second ne l'est que pour 9 ans. De plus, on peut noter que les "Justices" américains si ils sont nommés par le pouvoir exécutif, le Sénat doit valider leur nomination après audition. En France, aucun contrôle sur les nominations n'est exercé par personne.
Ces procédures lourdes et la nomination "à vie" permettent aux juges de la Cour Suprême d'être totalement indépendants et bien souvent, grâce à cette indépendance, de devancer le gouvernement dans les changements de société.

Par exemple, ce sont des juges plutôt conservateurs qui ont lancé les premiers pavés dans la mare de la discrimination raciale en déclarant anticonstitutionnelle la ségrégation dans les écoles en 1954 obligeant ainsi le gouvernement à agir. Ceci ne veut pas dire que les juges de la Cour sont exempt d'opinions politiques, loin de là, mais qu'ils savent en faire abstraction dans certains cas particuliers, celui de la peine de mort en étant un.

Là ou un membre du Conseil Constitutionnel sera "contrôlé" par ses mandataires politiques, un juge de la Cour Suprême ne le sera pas (même si, evidemment, on attend de lui qu'il se comporte comme on l'espère).

Alors, à l'heure ou nos deux assemblées continuent de faire joujou avec la révision constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy et qu'une des modifications voulue est celle du contrôle des lois "a posteriori" par le Conseil Constitutionnel sur demande des juridictions inférieures, on est en droit de se demander comment des hommes et femmes qui n'ont pratiquement aucune indépendance vis à vis du pouvoir pourront se comporter lorsqu'ils auront à entendre des demandes concernant les lois sur la peine de mort, l'avortement, le planning familial, la sécurité sociale, etc...

En d'autres termes, quoi que l'UMP essaye de faire croire à l'opinion, le Conseil Constitutionnel ne sera jamais l'équivalent de la Cour Suprême des États-Unis tant que son indépendance ne sera pas garantie par des nominations de magistrats ou juristes éminents, tant que les nominations ne seront pas effectuées conjointement par l'exécutif ET le législatif et que le poste ne sera pas garanti "pour autant de temps qu'ils le veulent".
Pour être tout à fait "honnête", l'indépendance du Conseil ne devrait pas être étudiée tant qu'une véritable séparation des pouvoirs n'existe pas en France et tant que l'assemblée n'est que la chambre d'enregistrement qu'elle est aujourd'hui.

Tout n'est pas forcement bon aux États-Unis mais nous avons certainement beaucoup de choses à apprendre dans le domaine de l'indépendance de la justice.

Publié dans Etranger

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B
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D
@RébusJe ne suis pas sur qu'aujourd'hui encore, si on posait la question aux français par référendum, la peine de mort ne soit pas rétablie dans notre beau pays.Le sujet de la peine de mort dépasse l'idée de démocratie et d'opinions politiques, comme le dit Didier Goux.@Didier GouxMerci de me rappeler ce détail d'importance. Du reste, l'abolition de l'esclavage aux USA est née dans l'esprit d'un des premiers républicains, Abraham Lincoln, et c'est en partie à cause de ça que les démocrates se sont implantés dans le Sud, par ressentiment. Z'avez vu, moi aussi j'ai des souvenirs de guerre :-)J'ai utilisé un raccourci pour démontrer par l'exemple qu'on pouvait avoir des juges ayant des opinions personnelles mais qui arrivent à penser plus largement.Du reste, on le voit dans la décision sur le port d'arme. C'est le juge Kennedy qui a "changé" de camp.
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D
Sauf erreur de ma part, le fait que ce soit les Républicains qui, dans les années cinquante, aient "ouvert le feu" contre la discrimination raciale n'est paradoxal qu'en apparence : à l'époque, les Démocrates étaient encore majoritaires dans les états du sud, largement ségrégationnistes. Il s'agissait donc d'une orpération politique. Ce qui d'ailleurs ne préjuge en rien des opinions individuelles des uns et des autres.Pour ce qui est du reste, de toute façon, toute loi tendant à faire reculer la peine de mort me paraît bonne à prendre.Rébus : contrairement à ce qu'on croit trop souvent en France, de nombreux états des États-Unis ont, depuis longtemps, aboli la peine de mort (la flemme de chercher combien...). De plus, le clivage entre partisans et abolitionnistes ne recoupe que très imparfaitement la frontière gauche/droite, surtout Outre-Atlantique. C'es en effet moins vrai chez nous.
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R
À propos des États Unis, je viens de lire que Obama, ce parangon de la démocratie, n'était pas hostile à la peine de mort.Ce qui le situe juste à la droite de Sarko and co sur ce point.Pas gagné sur ce plan là, les États Unis. Enfin, la peine de mort et le lobby des armes font partie des figures imposées là bas
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