Veto : Le système politique des Etats-Unis en question

Publié le par Didier B

statue-liberty.jpgGeorge W. Bush vient de mettre son veto présidentiel à une loi voté par le Congrès des Etats-Unis. Cette loi aurait fait obligation aux agences fédérales (dont la CIA) de respecter le code de conduite militaire et, ce faisant, leur aurait interdit d’utiliser des méthodes comme le « waterboarding » pendant les interrogatoires.

Au delà de la rhétorique et des enjeux moraux, nombreux sont ceux qui, en France, ne comprennent pas comment et pourquoi le pouvoir exécutif peut s’opposer à un texte voté par le pouvoir législatif.

Le mot veto n’apparaît pas dans la Constitution des Etats-Unis. Celle-ci impose simplement qu’une législation votée par les deux chambres du Congrès doit être présentée au Président pour signature. Le président peut signer la législation sous dix jours et ainsi la transformer en loi ou ne pas la signer et la renvoyer devant le Congrès pour une nouvelle discussion. Le Congrès doit alors rediscuter la législation et la voter à une majorité des 2/3 pour la transformer en loi ou la voir disparaître.

La Constitution des Etats-Unis prévoit que chacun des 3 pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire a à sa disposition des moyens de contrôle sur les deux autres. Le « veto » présidentiel n’est qu’un des moyens de contrôle de l’exécutif sur le législatif.

Bizarre ? Pas tant que ça, puisque le président de la République Française dispose du même pouvoir de renvoi selon l’article 10 de la Constitution de la Ve République. Il y a tout de même des différences puisque le président français dispose de 15 jours pour promulguer une législation ou la renvoyer devant le parlement et que le parlement n’est pas limité par une majorité des 2/3 de ses membres au moment du nouveau vote. Ceci limite donc grandement l’étendue de ce pouvoir présidentiel en France.

Compte tenu du système de gouvernement français, hors cas de cohabitation, il y a peu de chances qu’un tel cas survienne, et aucun risque que la loi ne soit pas finalement adoptée telle que le parlement le souhaitait.Toutefois, on devrait plutôt dire « telle que le gouvernement le souhaitait » car l’exécutif français dispose d’un énorme pouvoir sur l’assemblée, l’ordre du jour.

Le parlement ne peut discuter de textes de loi que s’ils sont inscrits à l’ordre du jour. Or cet ordre du jour est fixé par le gouvernement. L’exécutif français peut ainsi limiter les discussions à ses projets de loi et refuser aux parlementaires la possibilité de discuter de leurs propositions. (Il peut aussi utiliser l’article 49.3 pour dénier aux parlementaires le droit de simplement discuter de la loi).
Ceci n’est absolument pas le cas aux Etats-Unis ou le Congrès est seul autorisé à proposer des textes de loi et dispose seul de son ordre du jour. Ceci explique pourquoi le président des Etats-Unis dispose d’un petit pouvoir de contrôle, pour éviter qu’un pouvoir ne domine totalement l’autre.

Il y a donc là matière à discussion lorsqu’on évoque le manque de démocratie du système politique des Etats-Unis quand on sait que les représentants élus du peuple français ne peuvent pas discuter de certaines lois si le gouvernement ne le veut pas.
Tout ce qui est étasunien n’est pas forcement mauvais et nous devrions peut être y penser lorsque, tôt ou tard, on nous demandera de rediscuter de la constitution de notre pays.

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Publié dans Etranger

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E
oui, je suis d'accord sur le fond, mais si j'insiste c'est parce que ici, l'info importante c'est l'acceptation officielle de la  torture. Après, de savoir si c'est bush seul ou les sénateurs, bien sûr que c'est important mais ça vient après. Ces mêmes sénateurs ont voté pour la guerre en irak, et ont voté pour les lois de sécurités intérieure...ce qui est grave ici comme dans les autres pays 'occidentaux c'est la logique  en oeuvre et qui est en train, sous le prétexte de lutte anti-terroriste, d'exploser l'une après l'autre les garanties individuelles dont nous disposons ou croyons disposer. Que nous dit  ce véto? que les droits de l'homme c'est bien joli mais que ça ne doit pas entraver notre lutte....contre le terrorisme...je vous supprime vos droits pour votre bien....cette réthorique même dans un régime parlementaire elle peut passer...
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D
@EmilianoNon, ce n'est pas rien ! Mais ce n'est qu'un homme, le président des Etats-Unis, qui utilise les droits que lui donne la Constitution de son pays. Il n'y a pas de rupture démocratique. Au contraire, le Congrès des Etats-Unis voulait interdire ces pratiques (sur le papier).Il est totalement utopique de croire qu'une démocratie est "bonne" par nature. Elle n'est bonne que par les hommes et les femmes qui la dirigent.
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E
oui, mais ce n'est pas qu'un problème constitutionnel, même des députés frnçais ou des sénateurs américains pourraient voter pour des lois qui autorisent l'usage de la torture...il y a aussi une question de fond sur un respect des droits de l'homme à la carte...une démocratie en selfservice? c'est quand même pas rien qu'une démocratie accepte d'utiliser la torture (même si bien sûr personne n'est dupe de ce que des organismes semi-mafieux comme la cia ou la nsa ne s'en sont jamais privés...sans parler des corvées de bois de nos militaires de chez nous inspirateurs des pratiques suivies plus tard dans les dictatures latinoaméricaines)
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R
revoir certains points de la constitution ne suffira pas tant que les députés, de tous bords, ne sauront s'abstenri du rôle de godillots
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