Fonction publique : un rapport à lire entre les lignes.

Publié le par Didier B

Juste après la publication du « livre blanc sur l’avenir de la fonction publique », remis jeudi à Eric Woerth, ministre de la Fonction Publique, il est temps de s’arrêter sur quelques points qui me semblent essentiels dans ce rapport : l’évaluation, l’évolution de carrière, la rémunération et le licenciement (pudiquement appelée « sortie de fonction publique »).

 

Employé dans une GSS pendant 14 ans dont 8 dans l'encadrement, j’ai eu à vivre et à faire de nombreuses évaluations, à donner mon avis sur des évolutions de carrière et des rémunérations ou augmentations et à gérer des licenciements (dont le mien). Voici donc quelques réflexions personnelles sur ces éléments :

 

L’évaluation individuelle, effectuée par le supérieur hiérarchique direct, est par nature subjective.

Le rapport dit : « Le supérieur hiérarchique, au terme de l’entretien d’évaluation, apprécie, au regard des critères et objectifs prédéfinis, la valeur professionnelle de l’agent pendant la période écoulée en choisissant une des quatre possibilités suivantes : « très bonne », « bonne », « perfectible » ou « insuffisante ». »

Ces critères et objectifs, même sur les éléments quantitatifs, peuvent être évalués de manière subjective. Il va sans dire que les éléments dits « qualitatifs » (comme la qualité de l’accueil du public, par exemple) sont également dans ce cas.

Prenons l’exemple d’une personne qui, sur 265 jours de travail annuel, est arrivé en retard 5 fois. C’est quantifiable ; ce n’est pas énorme, mais cela reste des erreurs. Pourtant, l’évaluation de la ponctualité de cette personne sera bonne, perfectible ou insuffisante, suivant que le supérieur retiendra ou pas des éléments comme la bonne marche du service, les éléments extérieurs (grèves, travaux, etc) et en fonction du fait que le supérieur hiérarchique apprécie la personne ou pas.

 

L’évolution de carrière, selon le rapport, doit se faire en utilisant l’évaluation comme élément central. Cela peut sembler logique si l'évaluation est honnête, mais on vient de voir qu’une évaluation peut être subjective. Cela fausse donc naturellement la suite d’une carrière, si on souhaite en faire une.

 

La rémunération « au mérite » n’existant nulle part, ni dans le secteur privé ni au pays des Bisounours, il conviendrait d'utiliser l’expression de rémunération aux résultats ou rémunération individuelle, ce qui serait plus juste. L'avantage, pour le gouvernement ou une entreprise de parler de mérite peut faire croire aux public que « si tu travailles bien, tu as un bon salaire ou une bonne augmentation. »

Le premier problème se situe dans l’évaluation. Elle est le seul et unique élément « objectif » pour justifier d’une augmentation de salaire ou de traitement. Or, elle est sujette à la subjectivité.

Le second problème est lié à l’augmentation de la masse salariale. Un employeur, quelle que soit sa volonté d’augmenter ses employés individuellement, veut strictement contrôler la masse salariale de son entreprise. Aussi, les augmentations des uns sont liées à celles des autres.

Un employé bien évalué peut « mériter » une augmentation de 10% de salaire, mais les augmentations des autres limitent cette possibilité ; une grosse augmentation peut entraîner un nombre important de très faibles augmentations dans un même service, et cela nuit à la paix sociale. Il faut donc faire des arbitrages financiers qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’évaluation de départ.

 

Enfin, il y a le licenciement. Le rapport envisage d’étendre la possibilité de licencier pour « insuffisance professionnelle ». Cette insuffisance peut exister, mais il convient de l’apprécier sur une période assez longue pour qu’elle soit justifiée. En tout état de cause, la moindre baisse des performances ou une erreur peut être interprétée comme une insuffisance et je ne connais personne qui ne fasse pas d'erreur dans son travail. Tout sera donc lié à l'appréciation (par nature subjective) du supérieur hiérarchique.

 

Evaluation, évolution de carrière, rémunération et licenciement sont des éléments que les salariés du secteur privé connaissent depuis longtemps et ont appris à intégrer à leur façon de travailler et d’envisager leur avenir. L’évaluation des résultats n’empêchant pas le « favoritisme » ni la mauvaise foi, les 3 autres éléments sont eux-mêmes faussés.
Ces points ne sont pas les causes des licenciements massifs qui interviennent parfois, mais ils servent parfois à se débarrasser d’un salarié « gênant ».

 

Je vous laisse tirer vous-même des conclusions sur ce que pourraient donner l’utilisation de ces moyens dans la fonction publique, sachant que le gouvernement de Nicolas Sarkozy à déjà répété que les fonctionnaires étaient trop nombreux et que l’on sait que le non remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne correspond pas aux objectifs que la droite s’est fixée en matière d’économies.

 

C’est maintenant aux fonctionnaires et aux organisations syndicales qui les représentent de donner leur avis sur ce rapport. Libre à eux de l’accepter, mais il faut que tous aient les bonnes informations en main. Et, parce que j’ai le sens de l’humour, je leur souhaite bon courage.

Publié dans Polémiquons à droite

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R
C'est de la négo au couteau sous lagorge pour les syndicats, bien que certains n'aient pas besoin de cela pour se coucher
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O
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